La Révolution radicale de 1846
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déposent des motions visant à la dissolution. Ces motions sont rejetées le 3 octobre 1846.
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Voyant une fois encore le débat leur échapper, les radicaux quittent la salle, laissant le Grand
Conseil suivre librement la position conservatrice. Ils n'y reviennent que le 9 octobre, en
armes, et mettent fin à la Constitution de 1842.
2. Les mécontents du pouvoir conservateur
Les racines de la chute politique de la bourgeoisie sont profondes, et datent même d'avant
1841. La rapidité avec laquelle le pouvoir bourgeois va littéralement s'effondrer complexifie
l'analyse. Pour autant, la défaite des élites politiques ne signifie pas leur complète disparition
et n'est finalement que le point d'aboutissement logique d'une longue accélération de la
politique de progrès graduel. Le Conseil d'Etat de la période représentative avait fait une
erreur grave en n'acceptant pas de débattre de l'autonomie municipale et du système
censitaire. Autour de ces deux questions, s'étaient polarisées les oppositions avant 1841. Cette
erreur a coûté à la bourgeoisie la révolution de 1842. Plus précisément, deux oppositions de
natures différentes se sont alors formées.
La question municipale touche une première catégorie de la population, soit les classes
industrielles non-bourgeoises. Pour cette population, la question de la municipalisation est
capitale du point de vue économique, tant ils estiment qu'un pouvoir cantonal ne peut
simultanément bien gérer une ville et son territoire. Ils désirent voir leurs intérêts
économiques mieux défendus, voire être aidés des autorités. Cette opposition a des
motivations purement économiques, la question religieuse n'intervenant pas a priori.
C'est un second groupe d'opposants qui s'articule autour des valeurs historiques, donc
protestantes, de Genève. L'abaissement du cens jusqu'à une valeur relativement faible ne peut
qu'être suivi de sa suppression. D'autant qu'il découle de cette taxe d'un montant devenu faible
une situation originale, comme l'explique Bernard Naef: "On voyait des ouvriers, hommes
cultivés, anciens Genevois, dont les pères avaient siégé en Conseil Général, être privés de
leurs droits électoraux, tandis que tel paysan naguère savoyard, dépourvu d'instruction,
étranger à nos habitudes républicaines, figurait au tableau électoral grâce au léger impôt
foncier dont ses champs étaient frappés".
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Ce reproche, en provenance d'un conservateur, est
courant dans une partie de la population, même s'il est très difficile d'en mesurer l'impact
exact. Quel que soit le poids électoral de la campagne face à celui de la ville, la possibilité de
voir des anciens Savoyards, catholiques, être électeurs à la place d'anciens Genevois est réelle.
Et c'est cette réalité qui a marqué les esprits. Découlant de cette question, la problématique
religieuse se trouve bien au centre des préoccupations. En admettant de fortes sympathies
pour Fazy-Pasteur, ardent combattant de l'ultramontanisme, Naef se positionne en retrait des
libéraux, comme le parent de James Fazy, qui conserve une grande popularité tout au long des
années 1842-1846. Pour la partie de la population que représente Naef, le danger vient des
catholiques, et du pouvoir qu'ils pourraient prendre, et non du conservatisme des autorités.
Mais si ces derniers ne font rien pour dissoudre le Sonderbund, cette population ne peut que
rejoindre l'opposition.
Ces deux oppositions primitives à la politique menée par les élus vont évoluer rapidement
après 1842. Au chapitre 3, nous avons vu que la défense du protestantisme devient le ciment
de la bourgeoisie. Mais cette tendance au regroupement des anciens bourgeois connaît
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Ibidem, p. 970.
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NAEF, Henri, La famille Naef et le lignage de Gattikon en Suisse Romande, Lausanne, 1932, p. 162-163.
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